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.« Naturellement, reprit Tewdric, si je régnais encore, tous ces troubles me soucieraient, mais en tant que chrétien je ne peux que m’en féliciter.Les saints pères nous disent qu’il y aura pléthore de signes et de présages des derniers jours, Seigneur Arthur, et les désordres civiques ne sont qu’un de ces signes.Peut-être la fin est-elle proche ? »Arthur émietta un bout de pain dans son écuelle.« Vous vous réjouissez vraiment de ces émeutes ? Vous approuvez les attaques contre les païens ? Les sanctuaires incendiés et saccagés ? »Par la porte ouverte, Tewdric regarda les bois verts qui cernaient son petit monastère.« J’imagine qu’il doit être difficile aux autres de comprendre, dit-il, évitant de répondre directement à la question d’Arthur.Vous devez y voir des signes d’excitation, Seigneur Arthur, non des signes de la grâce de Notre Seigneur.» Il fit le signe de la croix et sourit.« Notre foi, dit-il sincèrement, est une religion d’amour.Le Fils de Dieu s’est humilié pour nous sauver de nos péchés et nous sommes instamment pressés de l’imiter dans tout ce que nous faisons ou pensons.Nous sommes encouragés à aimer nos ennemis et à faire du bien à ceux qui nous haïssent, mais ce sont des commandements difficiles, trop difficiles pour la plupart des gens.Et vous ne devez pas oublier ce pour quoi nous prions avec le plus de ferveur : le retour sur cette terre de Notre Seigneur Jésus-Christ.» Il fit de nouveau le signe de la croix.« Les gens prient et attendent impatiemment Son second avènement.Ils craignent qu’il ne revienne pas si le monde est encore gouverné par des païens et se sentent donc obligés de détruire l’idolâtrie.— Détruire le paganisme, observa sèchement Arthur, ne semble guère conforme à une religion qui prêche l’amour.— Détruire le paganisme est un acte plein d’amour, insista Tewdric.Si vous, les païens, vous refusez d’accepter le Christ, vous irez sûrement en Enfer.Peu importe que vous ayez mené une vie vertueuse, vous serez la proie des flammes pour l’éternité.Notre devoir à nous, chrétiens, c’est de vous arracher à ce destin.Ce devoir n’est-il pas un acte d’amour ?— Pas si je n’ai aucune envie d’être sauvé, répondit Arthur.— Alors vous devez endurer l’inimitié de ceux qui vous aiment, fit Tewdric, ou tout au moins l’endurer jusqu’à ce que l’excitation s’éteigne.Et elle s’éteindra.Ces enthousiasmes ne durent jamais longtemps et, si Notre Seigneur Jésus-Christ ne revient pas dans quatre ans, l’excitation retombera certainement jusqu’au millenium.» Il fixa de nouveau les bois épais, puis reprit d’une voix émerveillée : « Ce serait merveilleux s’il m’était donné de vivre assez longtemps pour voir en Bretagne le visage de mon Sauveur ! » Il se retourna vers Arthur : « Et les présages de Son retour seront des éléments de troubles, je le crains.Sans nul doute les Saxons seront-ils une nuisance.Font-ils beaucoup d’ennuis ces temps-ci ?— Non, mais leur nombre croît d’année en année.Je crains qu’ils ne se tiennent plus tranquilles bien longtemps.— Je prierai pour que le Christ revienne avant, fit Tewdric.Je ne crois pas que je supporterais que le pays tombe entre les mains des Saxons.Non que ce soit encore mon affaire, bien entendu, s’empressa-t-il d’ajouter, car je laisse tout cela aux soins de Meurig maintenant.» Une corne sonna depuis la chapelle voisine.Il se leva.« L’heure des prières ! fit-il joyeusement.Peut-être vous joindrez-vous à moi ? »Nous nous excusâmes.Le lendemain matin nous quittâmes le monastère du vieux roi pour escalader les collines et entrer dans le Powys.Deux nuits plus tard, nous étions à Caer Sws, où nous retrouvâmes Culhwch qui prospérait dans son nouveau royaume.Ce soir-là, nous fîmes tous des excès d’hydromel et le lendemain matin, lorsque je me rendis à Cwm Isaf avec Cuneglas, j’avais mal à la tête.Le roi avait pris grand soin de notre maisonnette.« Je me suis dit qu’un jour vous pourriez en avoir besoin, Derfel.— Bientôt, peut-être, fis-je d’un air maussade.— Bientôt ? Je l’espère.— Nous ne sommes pas vraiment bienvenus en Dumnonie, répondis-je dans un haussement d’épaules.Mordred m’en veut.— En ce cas, demande à être libéré de ton serment.— Je l’ai demandé, et il a refusé.»Je le lui avais demandé après l’acclamation, quand la honte des deux coups était encore cuisante, puis je lui avais demandé six mois plus tard, pour essuyer un nouveau refus.Je crois qu’il était assez intelligent pour deviner que la meilleure façon de me punir était de m’obliger à le servir.« Ce sont tes lanciers qu’il veut ? demanda Cuneglas, assis sur le banc installé sous le pommier.— Juste ma loyauté rampante, fis-je, amer.Il ne paraît pas vouloir livrer la moindre guerre.— Alors, c’est qu’il n’est pas complètement idiot », observa Cuneglas avec une pointe d’ironie.Puis nous parlâmes de Ceinwyn et des filles, et il offrit d’envoyer Malaine, son nouveau grand druide, auprès de Dian : « Malaine n’a pas son pareil pour utiliser les herbes.Meilleur que le vieux Iorweth.Tu as su qu’il est mort ?— On me l’a dit.Et si vous pouvez vous passer des services de Malaine, Seigneur Roi, ce serait avec plaisir.— Il partira demain.Je ne supporte pas de savoir mes nièces malades.Nimue ne t’est d’aucune aide ?— Ni plus ni moins que Merlin », dis-je en touchant la pointe d’une vieille lame de faucille enfoncée dans l’écorce du pommier.Le contact du fer était fait pour conjurer le mal qui menaçait Dian.« Les anciens dieux, constatai-je avec aigreur, ont abandonné la Dumnonie.»Cuneglas sourit.« Il n’est jamais bon, Derfel, de sous-estimer les Dieux.Ils s’imposeront de nouveau en Dumnonie.Les chrétiens aiment à se comparer à des moutons, n’est-ce pas ? reprit-il après un temps de silence.Eh bien, écoute-les donc bêler le jour où viendront les loups.— Quels loups ?— Les Saxons, dit-il d’un air piteux.Ils nous ont accordé dix ans de paix, mais leurs bateaux continuent à débarquer sur les côtes de l’est et je sens leur force grandir.S’ils se remettent à nous combattre, vos chrétiens seront assez ravis de vos épées païennes.» Il se leva et posa la main sur mon épaule.« Nous n’en avons pas fini avec les Saxons, Derfel.Nous sommes loin d’en avoir fini.»Le soir, il nous offrit un banquet.Le lendemain matin, avec un guide que Cuneglas mit à notre disposition, nous nous enfonçâmes au sud, dans les collines désolées qui se trouvent par-delà l’ancienne frontière de la Silurie.Nous nous dirigions vers une communauté chrétienne isolée.Les chrétiens étaient encore peu nombreux au Powys, car Cuneglas expulsait impitoyablement de son royaume les missionnaires de Sansum chaque fois qu’il en découvrait.Mais son royaume abritait tout de même une poignée de chrétiens, et ils étaient plus nombreux dans les anciennes terres de la Silurie.Ce groupe-ci, en particulier, était réputé pour sa sainteté parmi les chrétiens de Bretagne, et ils illustraient cette sainteté en vivant dans un extrême dénuement au cœur d’un pays sauvage et hostile
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