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.Lorsqu’il s’éveilla, il faisait encore clair mais il n’entendait plus aucun bruit hormis le bouillonnement de la rivière grossie par la fonte des neiges des montagnes.Il leva un bras, se traîna un peu plus loin de l’eau, sanglotant de douleur maintenant que le sang recommençait à circuler dans ses membres.Il parvint à se redresser suffisamment pour regarder entre les arbres et ne vit personne à proximité.Eeluk ne renoncerait pas, Temüdjin en était certain.Si la première traque échouait, il enverrait toute la tribu à sa recherche dans un rayon d’une journée de cheval.Les guerriers savaient qu’il n’avait pas pu aller plus loin et ils finiraient par le retrouver.Étendu sur le sol, fixant le ciel, il comprit qu’il n’avait qu’un endroit où se réfugier.Au coucher du soleil, Temüdjin se leva en chancelant, pris de tremblements à faire tomber son corps en morceaux.Quand ses jambes se dérobèrent sous lui, il continua en rampant dans l’herbe.Les torches du camp étaient à présent visibles et il se rendit compte qu’il ne s’en était pas beaucoup éloigné, dans l’état de fatigue qui était le sien.La plupart de ses poursuivants l’avaient probablement cherché plus loin.Il attendit que les derniers rayons du soleil disparaissent, que la terre redevienne sombre et froide.Son corps semblait capable de le porter un peu plus longtemps et il avait cessé de se demander ce que ses membres endoloris endureraient encore.L’eau de la rivière avait décollé son œil gonflé, avec lequel il voyait de nouveau, bien que de manière trouble parce qu’il larmoyait constamment.Temüdjin craignait les chiens, même s’il espérait que la boue masquerait son odeur.L’idée que l’un de ces animaux féroces pût se jeter sur lui pour le mettre en lambeaux lui causait une terrible frayeur mais il n’avait pas le choix.S’il cessait d’avancer, la seconde vague de chasseurs le découvrirait le lendemain matin.Il savait quelle yourte il voulait rejoindre et remercia le père ciel qu’elle se trouvât en bordure du camp silencieux.Longtemps il demeura étendu sur le ventre, guettant le moindre mouvement.Les sentinelles placées par Eeluk regardaient vers l’extérieur, mais il leur aurait fallu des yeux de chouette pour repérer la forme boueuse rampant sur la terre sombre.Au bout d’une éternité, Temüdjin tendit le bras pour toucher le feutre d’une tente, sentit sous ses doigts sa rugosité sèche avec un plaisir quasi extatique.Il songea à essayer de passer sous la toile mais elle devait être fixée au sol par des piquets et il ne voulait pas que quelqu’un à l’intérieur pousse un cri en croyant qu’un loup tentait de pénétrer dans la yourte.Cette pensée le fit sourire.Il faisait un loup en très piteux état, descendu furtivement des collines pour un peu de chaleur et de lait.Lorsque des nuages cachèrent les étoiles, il s’approcha de la portière, la releva, entra, la laissa retomber derrière lui et se figea, haletant dans le noir.— Qui est là ? dit une voix de femme.Sur sa gauche, Temüdjin entendit un bruit de couverture puis une autre voix, plus grave :— Qui est-ce ? demanda Basan, qui tendait sans doute déjà la main vers un poignard.— Temüdjin.Son nom fut accueilli par un silence.Il attendit, conscient que sa vie était en jeu.Un silex claqua sur de l’acier, des étincelles éclairèrent un instant les visages du couple et de ses enfants, réveillés eux aussi.Basan alluma une lampe à huile et réduisit la flamme à un point rougeoyant.— Tu ne peux pas rester ici, déclara son épouse avec une expression apeurée.Temüdjin tourna vers le féal de son père un regard suppliant, attendit.Basan secoua la tête, consterné par l’apparition sous sa tente de cette silhouette vacillante.— Ils te cherchent, dit-il.— Alors, cache-moi une journée, jusqu’à ce que les recherches cessent.Je demande ton hospitalité.Temüdjin n’entendit pas de réponse et sentit soudain ses dernières forces l’abandonner.Il tomba à genoux, sa tête basculant en avant.— Nous ne pouvons pas le renvoyer, dit Basan à sa femme.Il se ferait tuer.— S’il reste, c’est nous qu’il fera tuer, répliqua-t-elle, haussant la voix.— Donne-lui du thé et quelque chose à manger.Je le fais en mémoire de son père.Elle ne répondit pas mais alla tisonner le poêle, le visage fermé
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