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.— C’est parfait, lui dit Jessica.Elle sourit.Son expérience dans le cambriolage de grande envergure lui avait non seulement permis de commettre ce petit vol pour le plaisir, mais d’acheter une villa en Espagne, un appartement à Hollywood et un certain nombre de voitures de luxe.— J’ai fait cinquante-six coups sans jamais en rater un, rappela-t-elle avec fierté.Elle ajouta qu’on ne l’attraperait pas, car elle savait que la police recherchait un homme.Jessica étudia la lettre, traduisant mentalement le français médiéval.En 1048, Raymond de Toulouse avait confié à son évêque ses doutes à propos d’une société païenne secrète, dédiée à la préservation d’écrits hérétiques en prévision du jour où l’Antéchrist apparaîtrait pour s’emparer du monde.Raymond mentionnait une forteresse dans les Pyrénées.Pourquoi Philo tenait-il tant à mettre la main sur ce document ? « Ce n’est pas la lettre en soi qui a de la valeur, se dit-elle.Mais les informations qu’elle contient.»Alors que le yacht se balançait doucement sur la mer calme et que son hôtesse se préparait un toast de chair de crabe au beurre fondu, l’esprit aiguisé de Jessica s’emballa.Autour de quoi cela pouvait-il tourner ? Du saint Graal ? Du sang du Christ ?Peut-être s’agissait-il d’une organisation dont elle-même, dont c’était le métier, n’avait jamais entendu parler… Une structure si obscure qu’elle faisait passer les Templiers pour des exhibitionnistes.Raymond de Toulouse avait écrit : On les reconnaît à leur bague de flammes.Une bague de flammes ? Celle à la main droite de Philo ! Était-il membre de cette assemblée ?Derrière les lunettes noires qui protégeaient ses yeux d’émeraude du soleil étincelant, son esprit se mit à bouillonner.C’était une aubaine inattendue.Elle mesurait à présent la valeur de l’objet, non pour Philo mais pour elle-même.Jessica voulait Thibodeau.Elle voulait être son associée dans la fortune et le pouvoir.À la mort de Sandrine, trois ans auparavant, elle avait déjà entrevu cette possibilité.Philo étant désormais veuf, aucune femme ne venait plus se mettre en travers de la route qu’elle s’était tracée.Mais il ne la regardait pas comme les autres hommes et son entreprise de séduction n’exerçait aucun effet sur lui.Aussi avait-elle décidé de recourir à d’autres moyens.Elle l’avait appâté avec l’Étoile de Babylone, mais le plan avait échoué, puisqu’il reposait sur la réussite de Candice Armstrong et Glenn Masters.Il lui fallait donc mettre en œuvre une autre stratégie.La lettre tombait bien.Jessica sourit.Elle avait appris des années plus tôt, bien avant de se faire refaire les seins et le nez, bien avant de changer de nom, à l’époque où elle se livrait à ses petits trafics en gardant toujours une longueur d’avance sur la police, qu’un bon escroc envisageait toujours une solution de repli.En cas d’échec du plan A, il fallait passer au B, puis au C, si nécessaire.Elle aurait Philo.Par n’importe quel moyen.Même s’il fallait en passer par le meurtre.14Philo savait que la police de Los Angeles était à sa recherche, pour l’interroger au sujet de la mort de John Masters.Cela ne l’inquiétait pas.Elle ne le trouverait jamais, et même si elle y parvenait, ce serait trop tard.Son appartement de deux mille mètres carrés, situé trente étages au-dessus de la ville de Houston, était entouré de ciel et totalement inaccessible depuis le rez-de-chaussée.Les ascenseurs, celui qui lui était dévolu personnellement comme ceux destinés aux serviteurs et aux fournisseurs, partaient de ce niveau et ne pouvaient que monter.Philo ne quittait sa résidence qu’en hélicoptère.Si la police avait envoyé des hommes surveiller l’entrée du building dans le but de l’attraper, ils attendraient longtemps.Thibodeau portait une chemise en soie et un pantalon de flanelle blancs.Il était persuadé que seul ce ton seyait à un authentique gentleman sudiste.Ses concessions à la couleur étaient la lavallière jaune pâle nouée autour de sa gorge et la pochette assortie glissée dans sa poche de poitrine.De même, tout était blanc à son domicile : les canapés, le tapis, les murs, les fleurs, la table basse en marbre, de trois mètres sur deux.C’était un décor parfait pour sa dernière acquisition : un tableau qu’il avait accroché au-dessus de la cheminée allumée, elle aussi en marbre blanc – une toile abstraite, une explosion de lumière, de pierres gemmes jaunes clardées sur un ciel argenté, de perles sur une neige incandescente.Cela ne pouvait être qu’une représentation de la Luminance.Lénore avait dû rompre la promesse faite à son mari et parler à leur fils de l’ordre secret.Sinon, comment Glenn aurait-il pu savoir ? Il avait du talent, en tout cas.Quand Philo s’était rendu chez lui, pendant que la police était à l’hôpital, il avait eu tout le loisir d’étudier attentivement les compositions et d’observer leur évolution progressive.Les dernières, celles sur lesquelles on devinait des visages, s’approchaient de la vérité suprême.Philo avait interprété sa découverte comme un signe.Tout était en train de se mettre en place.« Bientôt, Lénore, bientôt.»Il sirotait un whisky, seul dans le salon, comme à son habitude.Personne ne le voyait vivre au quotidien.Il jugeait ce genre d’exhibition indigne d’un homme comme lui, d’un élu.Telle avait été l’erreur de Jésus : manger et boire avec ses disciples avait jeté le trouble, car ils s’étaient demandé comment le fils de Dieu pouvait avoir besoin de nourriture et de vin.Même Sandrine avait été tenue à l’écart.Le dernier repas de Philo en compagnie d’une autre personne avait été le pique-nique avec Lénore.Le jour où sa vie avait basculé à jamais.Il regarda de nouveau le Polaroid qu’on lui avait apporté plus tôt.On y voyait Glenn Masters et Candice Armstrong à l’aéroport, attendant l’embarquement, ignorant qu’ils étaient en train de se faire photographier.Ils se regardaient l’un l’autre, se jaugeaient d’un bref coup d’œil saisi par la pellicule.À première vue, il n’y avait dans leur regard que colère, irritation et impatience, comme si chacun eût rêvé d’être ailleurs, et surtout pas à côté de l’autre.Mais Philo y discerna aussi un désir ardent, une attirance tellement animale que même ceux qui en étaient la proie n’en étaient pas conscients.C’était sans doute ainsi qu’il avait regardé Lénore avant de se rendre compte à quel point il l’aimait.En ce fameux jour où il avait franchi le premier pas sur la dernière ligne droite qui le menait vers son destin…Il avait d’abord pensé qu’elle était nue.Nue au bord de l’eau, s’apprêtant à tremper son corps d’ivoire.Mais en s’approchant discrètement d’elle, il s’était aperçu qu’elle portait une robe fourreau couleur chair, aussi pâle que sa peau, qui lui descendait jusqu’aux chevilles.Elle n’était pas exactement en train de se baigner, d’ailleurs : les pieds dans le torrent, elle recueillait de l’eau dans ses mains jointes, qu’elle levait au-dessus de sa tête, puis la laissait couler entre ses doigts.Le soleil filtré par les arbres de la forêt verdoyante faisait scintiller les gouttes.On aurait dit une créature spectrale ramassant des diamants et les éparpillant au vent.En se rapprochant un peu pour mieux l’observer, il avait vu ses petits seins et ses hanches étroites, ses longs cheveux, ses jambes immenses, et son visage d’une beauté saisissante
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